Des fantasmes au lieu de faits

Catherine Duttweiler sur les nouvelles propositions pour résoudre les problèmes de circulation à Bienne.

C’est une ‘entorse aux principes démocratiques’, une ‘paralysie injustifiable’, une ‘isolement régionale’ s’indignent des députés bourgeois dans la motion 036-2025, déposée début mars par le jeune membre de l’UDC de Gerolfingen, Korab Rashiti.

Ils demandent la construction de l’Âxe Ouest de Bienne, un projet abandonné, car le gouvernement cantonal disposerait selon eux de la competence pour lever la «suspension». C’est faux. Le jeune politicien Korab Rashiti, qui, au bonus francophone et au désistement de quatre collègues de son parti, est arrivé au parlement cantonal avec seulement 676 voix, utilise une rhétorique exagérée – et mélange les faits.

L’Axe Ouest de Bienne a été définitivement abandonné en janvier 2021 après un processus de dialogue largement soutenu entre partisans, opposants, représentants économiques et autorités, et ce, juridiquement de manière correcte par l’Office fédéral des transports (et non suspendu!). Puisqu’il n’y a eu aucune plainte, la décision est devenue définitive.

Ainsi, le projet de l’Axe Ouest et le moratoire sur les expropriations, qui ont bloqué le développement des quartiers concernés pendant des décennies, ne peuvent pas simplement être réactivés, comme le souhaitent les auteurs de la motion – encore moins par le Canton de Berne. Tous les mandats de planification ont été annulés il y a quatre ans, comme le confirme l’ingénieur cantonal Stefan Studer. Sur le périmètre de l’autoroute, un hôpital d’urgence est en construction.

Si le projet original devait être redimensionné, comme le proposent les auteurs de la motion, il faudrait créer un nouveau «projet général» et un nouveau projet d’exécution », suivis d’une procedure d’approbation des plans avec participation. Cela prendrait 15 à 20 ans. C’est ainsi que le prévoit notre état de droit, que Korab Rashiti et ses collègues jugent menacé.

Ceux qui sont actuellement dans les embouteillages sont agacés – et ont peut-être oublié à quel point le projet du siècle dernier était monstrueux. Il était prévu de construire une route nationale de 7,2 kilomètres entre les Marais-de-Brögg et Alfermée, avec un tracé souterrain et un raccordement ouvert à trois étages à la gare de Bienne, long de 275 mètres, large de 45 mètres et profond de 18 mètres et un demi-raccordement ouvert aux Prés-de-la-Rive long de 280 mètres et jusqu’à 50 mètres de large. Pas moins de 2,2 milliards de francs étaient prévus pour sa construction.

Avec 672 000 francs par mètre linéaire, la section principale serait devenue la route la plus chère de Suisse, plus chère que le tunnel du Gotthard. En effet, l’autoroute urbaine de Bienne devait traverser un sous-sol instable avec beaucoup d’eau, de gravier et de sable, c’est pourquoi les ingénieurs prévoyaient de congeler les sols à l’ammoniac, de couler la route dans une coque de béton et de dévier les eaux souterraines à l’aide de 32 siphons. L’entretien seul aurait coûté 43 millions de francs par an! Le maire de l’époque, Hans Stöckli, et le groupe de travail qu’il dirigeait, avaient prévu dix raccordements autoroutiers dans la région. Autant qu’à Zurich. L’objectif était de dévier le traffic urbain sur l’autoroute aux frais de la Confédération.

Cela, Korab Rashiti et ses co-signataires, qui vivent tous en dehors de Bienne, ne semblent plus l’avoir à l’esprit. Ils demandent que la N5 soit une route directe vers la Romandie. Ils ignorent les bases légales – par exemple, lorsqu’ils reprochent aux  organisations critiques de l’Axe Ouest de ne pas avoir lancé un référendum cantonal au lieu de manifester.

La construction des autoroutes en Suisse est régie au niveau national. Le crédit pour la réalisation du tronçon ouest et d’autres projets issus de la décision de réseau a été adopté par les chambres fédérales en octobre 2006 et n’était pas susceptible de référendum, comme le précise la decision fédérale correspondante. Sa motion contient une douzaine d’erreurs factuelles, bien qu’il ait soumis une version corrigée au parlement. La Direction des travaux publics devra toutefois préparer une réponse, qui sera approuvée par le Gouvernement cantonal avant que le Grand Conseil ne rejette l’initiative lors de la session d’hiver pour des demandes erronées.

Il n’est donc pas étonnant que les fervents partisans de l’Axe Ouest au Grand Conseil, le president du TCS, Peter Bohnenblust, et la présidente de la ville, Sandra Hess, n’aient pas signé la motion. Tous deux faisaient partie du groupe de dialogue sur l’Axe Ouest et connaissent bien le dossier. En revanche, des jeunes politiciens radicaux, comme Pauline Pauli, et des artistes comme Beat Cattaruzza, l’ont signée, ce dernier ayant pourtant déclaré publiquement lors de la campagne électorale municipal que l’Axe Ouest n’était «plus d’actualité», mais qu’il voulait désormais «provoquer délibérément». Les deux sont originaires de Nidau, où de nouvelles élections sont prévues cet automne.

La ville aurait bénéficié de la construction du tronçon ouest et du tunnel Port – mais aux dépens des communes environnantes.

Les comptages de traffic et les études dans le processus de suivi du dialogue montrent qu’il y a beaucoup moins de circulation sur le tronçon est et dans la zone de l’Axe Ouest que ce qui avait été prévu. La nouvelle étude globale de mobilité, qui se base sur les concepts de transport cantonaux et régionaux officiels, montre que les tunnels Jura et Port, ainsi que le projet de tunnel «Axe Ouest, pas comme ça!)» élaboré par le comité citoyen, soulageraient à peine la région de Bienne, malgré des coûts de plusieurs centaines de millions de francs.

Comme on le sait depuis un certain temps, les problèmes de circulation à Bienne sont internes. Seulement neuf pour cent des trajets sur l’Axe Ouest sont des trajets de transit. Une analyse coûts-bénéfices montre que si des améliorations doivent être apportées, ce serait plutôt sur l’axe Nord-Sud, entre le Jura et Lyss, qui est plus chargé. Mais il n’y a aucun projet en ce sens.

Conclusion: Le «vide» du réseau à Bienne sera probablement comble pour l’instant par l’actuelle route nationale de troisième classe passant par Vigneules et Douanne. Cela ne rendra pas plus attrayante la route qui traverse le paysage viticole protégé sur la rive gauche du lac de Bienne. Elle est déjà très prisée par les poids lourds, car la N5 y offer moins de taxes qu’à la N1. Nous pouvons donc nous réjouir que Bienne ne soit actuellement pas un grand chantier. Sans les 650 oppositions et la résistance de la population, l’Axe Ouest aurait été construit dans les prochaines années – avec environ 600 000 trajets de camions pour l’excavation et des tranchées ouvertes pendant 20 ans. 74 maisons, dont certaines classes monuments historiques, auraient été démolies et 745 arbres abattus, dont l’allée historique du rond-point du faubourg du Lac, datant de l’époque napoléonienne.

Heureusement, cela nous a été épargné. Mais il est nécessaire d’agir, comme le montre également ces études. En particulier pour promouvoir la marche et le vélo, un grand potential existe à Bienne. En outre, le rapport final du processus de dialogue contient 50 mesures qui n’ont été mises en oeuvre que partiellement – pour tous les usagers, y compris les voitures et les bus. Ce rapport serait une lecture instructive pour les apprentis sorciers peu au fait du dossier, comme Korab Rashiti!

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